L’ordonnance verte change les habitudes

Le dispositif prévoyant la distribution de paniers bio aux femmes enceintes et leur sensibilisation aux perturbateurs endocriniens modifie durablement les pratiques.

 "J’ai clairement changé mes pratiques : j’ai remplacé toutes mes casseroles en teflon et j’ai arrêté d’utiliser des bougies parfumées." Son bébé de deux mois endormi dans sa poussette à côté d’elle, Alexianne, 28 ans, revient sur son parcours de bénéficiaire de l’ordonnance verte à l’occasion d’un goûter organisé à l’Orangerie pour permettre aux femmes de dialoguer avec les élus et les services municipaux.

Comme plus de 2000 femmes, Alexianne a bénéficié de ce dispositif créé en 2022 par la Ville de Strasbourg, et permettant aux femmes enceintes d’obtenir chaque semaine des paniers de légumes bio et locaux et de suivre deux ateliers sur les perturbateurs endocriniens. Les effets de ces polluants sont particulièrement néfastes pendant la grossesse, pour les mères et les enfants, et la municipalité entend amorcer, grâce à l’ordonnance verte, une transformation en profondeur.

D’après les résultats d’une enquête de satisfaction menée auprès des bénéficiaires, 93% des répondantes ont changé d’habitudes au sein de leur foyer en ce qui concerne, avant tout, les ustensiles et l’alimentation. "C’est un vrai programme politique en termes de changements de pratiques, défend Alexandre Feltz, adjoint à la santé. Quand elles découvrent ce que sont les perturbateurs endocriniens, les femmes se demandent pourquoi elles ne sont pas mieux informées ou protégées. " "Je suis infirmière, et pourtant je n’avais jamais entendu parlé des perturbateurs endocriniens, confirme Mabiala, venue avec sa fille de quinze mois. J’ai trouvé très utile qu’on nous donne des alternatives, pendant les ateliers, pour remplacer des ustensiles mauvais ou des aliments."

Étude scientifique

Pour mieux appréhender les effets du dispositif, une étude clinique débutera en octobre prochain et sera menée par l’Inserm, en partenariat avec les Hôpitaux universitaire de Strasbourg. Concrètement, la concentration de perturbateurs endocriniens dans les urines des femmes enceintes sera évaluée avant et après l’adhésion au dispositif. "Cela permettra de prouver scientifiquement la diminution de l’exposition aux perturbateurs endocriniens", anticipe Alexandre Feltz, qui rapporte être sollicité chaque semaine par des communes, désireuses de développer un dispositif similaire.

Plus de 29 000 paniers ont été distribués depuis 2022, un moyen de "d’agir pour la santé des mamans et des bébés, de soutenir l’agriculture bio locale et de protéger l’eau et les sols", insiste Jeanne Barseghian. Ces paniers sont mis à disposition dans treize points de collecte répartis dans les quartiers strasbourgeois. "C’était vraiment important de travailler sur la question de l’équité territoriale, poursuit la maire de Strasbourg. La mobilisation des centres médico-sociaux et de la Protection maternelle et infantile permet de toucher les femmes des quartiers prioritaires de la politique de la Ville."

En tout, 250 professionnels de santé (gynécologues, médecins généralistes, sages-femmes) sont prescripteurs de l’ordonnance verte. La durée de distribution des paniers varie de deux à sept mois selon le quotient familial des bénéficiaires.

Anne Dory

Photos Roméo Boetzlé